Historique des rapports constitutionnels

BREF HISTORIQUE DE LA TYPOLOGIE DANS SES RAPPORTS CONSTITUTIONNELS

Bien avant que nous les homéopathes nous préoccupions de la réalité constitutionnelle, médecins et chercheurs s’intéressaient à cette approche originale et visible de la personnalité.

Saisir, définir, comprendre le Type d’un individu ouvre au médecin la possibilité d’un coup d’œil, avant tout examen plus approfondi, de connaître le sujet et de prévoir un destin pathologique pour mieux mettre en œuvre les moyens de préserver sa santé.

Hippocrate déjà s’était saisi du problème. Le vieux Grec de l’île de Cos, père de la médecine, énonçait 500 ans avant notre ère : « le meilleur médecin est celui qui sait connaître d’avance. »

La maladie n’apparaît pas inopinément. Elle reflète un trouble interne, un terrain, un Tempérament propre au sujet. Certes les circonstances extérieures, le climat, l’alimentation, les conditions mêmes d’existence jouent leur rôle. Mais c’est avant tout le Tempérament du malade s’exprimant entre-autre dans son Type, sa Constitution qui explique la réaction particulière du corps aux différentes agressions et le pourquoi de la maladie.

Constitution et Tempérament définissaient pour l’Ecole hippocratique l’ensemble des capacités réactionnelles physiques et mentales du sujet qui lorsqu’elles sont perturbées débouchent sur le pathologique.

« Considérez un cercle. Le commencement est indétectable. De manière identique les maladies prennent leur origine dans tout le corps » 5

Hippocrate et son école individualisaient ainsi 4 Tempéraments :

  1. Les Sanguins : trapus, gras, vasculaires, rubiconds. Chauds, à peau humide, ils sont prédisposés aux accidents cardiaques, aux problèmes métaboliques, proies désignées du « coup de sang ».
  2. Les Bilieux : maigres, secs, chauds et ombrageux. Ce sont des hépatiques jaunâtres, colériques. Ils se font de la bile ce qui leur donne mauvais caractère.
  3. Les Lymphatiques ou Phlegmatiques : gras, mous, pâles, froids, humides, candidats aux maladies de langueur, aux adénites.
  4. Les Nerveux ou Atrabilaires : minces, précipités, froids et secs. Angoissés, anxieux. Estomac, intestins sont fragiles. L’atrabile, bile noire les rend mélancoliques, hypocondriaques.

On voit ainsi avec l’école de Cos s’esquisser une première typologie dont on peut déjà rapprocher nos 6 Constitutions homéopathiques définies par leur médicament clé et les 4 Éléments de la Tradition :

Les Chauds 🔥
Sanguin Chaud et humide Sulfur Air
Bilieux Chaud et sec Natrum muriaticum Feu

Les Froids 🧊
Lymphatique (Phlegmatique) Froid et humide Calcarea carbonica Eau
Nerveux (Atrabilaire) Froid et sec Calcarea phosphorica
Calcarea fluorica
Terre

Cette classification fondée sur l’équilibre des humeurs se calque donc sur l’énergétique des 4 Eléments: Air, Feu, Eau, Terre, issue de l’ancienne tradition grecque.

Une balance humorale d’aplomb induit un type humain harmonieux, le bel athlète assidu du palestre antique. On retrouvera cette idée de beauté beaucoup plus tard chez Henri Bernard avec le Sulfur neutre.

Mais qu’il survienne un déséquilibre, la déviance s’installe.

L’excès de Sang réchauffe et humidifie comme l’Air de l’atmosphère. La Bile jaune assèche et brûle, c’est le Feu. La Lymphe ou Phlegme archaïque mouille et refroidit au même titre que l’Eau. Vous voilà flegmatique. L’Atrabile, bile noire, froide et sèche comme Terre en hiver vous plonge dans cette mélancolie si bien gravée par Dürer.

Toutes ces conceptions hippocratiques seront imposées aux siècles suivants par Galien, le fidèle disciple, à travers l’Empire Romain.

Elles imprégneront le Moyen-âge, seront à la fois récusées et revisitées par Paracelse pour encore marquer de leur sceau la médecine jusqu’à la fin du XIXème siècle.

Témoignage de cette permanence, la traduction de l’intégralité de la Collection Hippocratique par Emile Littré (1801-1881). Elle s’étale de 1839 à 1861, soit plus de 20 ans de labeur ! Et elle fut un succès de librairie.

Il est intéressant d’enregistrer les concordances entre ces constatations de la médecine occidentale d’inspiration gréco-romaine et celles d’une médecine orientale vieille comme le monde, la médecine Ayurvédique.

Cette médecine indienne, inscrite dans les Védas, textes parmi les plus anciens de l’humanité, introduit les 3 < Doshas >

On y retrouve les 4 Eléments primordiaux mais assortis d’un cinquième, « l’Ether » des espaces cosmiques.

Ces Doshas sont nos 3 énergies vitales. Elles proviennent des 5 éléments se mélangeant entre eux en proportions variables.

Ces 3 Doshas engendrent 3 Types, 3 Constitutions : les « Vata », les « Pitta », les « Kapha ».

Les Constitutions de l’Ayurveda ont chacune leur typologie, leurs traits caractériels, leurs tendances pathologiques, leurs exigences d’hygiène particulières. Des analogies peuvent alors s’établir avec notre approche homéopathique.

  • Vata : Air et Ether cosmique. Le poumon en dépend mais aussi les muscles, leur mobilité et même tout mouvement cellulaire interne. C’est une Constitution où l’enthousiasme, la vivacité, le respiratoire sont au premier plan. Les Phosphoriques tuberculiniques, s’en rapprochent.
  • Pitta : le Feu. Il contrôle le digestif, certains métabolismes nutritionnels, les nerfs, la fièvre, les transpirations profuses. Fragilité de la peau avec eczéma. La Psore de type Sulfur n’est pas loin. Mais l’instabilité caractérielle, les insomnies, le déséquilibre nerveux rappellent le Fluorique et la Luèse.
  • Kapha : Terre et Eau, les os et les reins. Le tempérament Kapha se singularise par la robustesse, l’épaisseur, la solidité du squelette, la stabilité de l’assiette. Nous sommes proches du Carbonique et de la Sycose.

Tout ceci, très rapidement survolé, mériterait de plus amples développements. La médecine ayurvédique en effet, est très répandue et elle est toujours d’actualité alors qu’elle remonte à l’ère du sanscrit. Cela montre que dans la médecine traditionnelle, si tout est toujours en création, rien ne se perd.

Elle est importante aux Indes où elle côtoie l’homéopathie, elle-même très répandue là-bas.

On la rencontre dans les îles de l’Océan Indien, Réunion, Ile Maurice, au Sri Lanka, au Bangladesh.

Plus loin à l’Extrême-Orient mystérieux, la médecine Taoïste nous amène en Chine, au Japon en Corée. Nous y rencontrons le Tao, son Yin et son Yang.

Tout dans la nature, et l’homme en particulier, relève de 2 énergies opposées mais complémentaires, le Yin et le Yang, de leurs intrications car l’un ne va pas sans l’autre.

Dans tout Yin, il y a du Yang, dans tout Yang il y a du Yin.

Le Yang est symbolisé par le soleil, la lumière, la force, le mâle, l’or; le Yin par la lune, l’ombre, la détente, la femme, l’argent. L’un agit, l’autre apaise.

4 types humains correspondent à ce dualisme Yin-Yang inextricablement liés puisque toute la vie est Yin-Yang.

  • Les Yang de Yang où le Yang domine très largement. Hypersthénique, fort, costaud, hyperactif, sanguin. Ils explosent d’énergie: Sulfur. ➡️ midi : le solaire, adret de la montagne
  • Les Yang de Yin : le Yin commence à pointer son oreille, à calmer le Yang. Le dynamisme ralentit. Ce sont des sthéniques modérés. On recherche un peu de douceur, de détente, d’affection: Phosphorus. Ou on se replie sur soi-même : Natrum muriaticum.
  • Les Yin de Yang : le Yin prend décidément le pas. La détente s’installe. Le tonus diminue notablement. On est encore robuste mais on aime la tranquillité, la paix. Hyposthénique, transpirant beaucoup : Calcarea carbonica, gras et mou.
  • Les Yin de Yin : asthénique, frileux, énervé parce que très faible: Silicea, maigre, fragile rachitique. ➡️ minuit : l’ombre lunaire, ubac de la montagne

Tout cela gravitera au grand rythme cosmique selon le cycle des 5 éléments chinois: Bois, Feu, Terre, Métal, Eau, sous la coupole céleste.

De retour en Europe, à la Renaissance, il faut citer en matière typologique l’œuvre ô combien pittoresque de Porta. Ce médecin italien publie en 1652 sa « De humane Physiognomonia » où figure une classification animale de l’aspect des êtres humains.

Le visage est comparé à la tête d’un animal, les mains et les pieds aux pattes. Des ressemblances relevées, se déduisent des analogies caractérielles et physiques assez étonnantes. Ainsi :

L’Aigle ceux qui ont le nez courbé depuis la racine du front, rappelant ainsi le bec de l’aigle, roi des oiseaux, sont gens de grand courage, de vertu guerrière, d’autorité, mais accapareurs, tirant la couverture à eux, prédateurs incorrigibles.

L’Ane : qui a son œil proéminent est dénué de sagesse et de bon sens. Ses longues oreilles témoignent de suffisance et de sottise. Beaucoup plus tard, l’abbé Kneipp affirmera que de grandes oreilles sont gage de longévité et de sérénité. Toutes les représentations du Bouddha ont d’immenses oreilles aux lobes tombant jusqu’au sol.

Le Bœuf : négligence et apathie, rumination et lenteur. Mais avec le cou râblé et le front fort vous avez les qualités du taureau auquel vous ressemblez, hardiesse et colère. Mais méfiez-vous du rouge!

Il serait un peu vain de passer en revue toute la création animale. Citons simplement le Lion, royal et dominateur, le Chat rusé et plein d’artifice, le Chien fidèle et limité, le Singe toujours un peu fou-fou et piailleur. Je laisse évidemment à Porta la responsabilité de ses déductions.

Tout visage ressemble par quelques points à celui d’un animal et on ne s’ennuie pas à essayer de les rapprocher et de les déchiffrer!

Plus proches de nous, les travaux de l’école morphologique permettent de mieux cerner le problème. Curieusement le chiffre 4 y tient grande place.

A. Sigaud

Le lyonnais Claude Sigaud identifie 4 types:

  • Un type respiratoire : tronc petit, trapézoïdal à base supérieure. Cage thoracique très développée. Membres musclés. Visage losangique avec prédominance de l’étage moyen respiratoire,
  • Un type digestif : « tout en abdomen et en mandibules ». L’abdomen refoule la cage thoracique vers le haut. Obésité abdominale. Etage inférieur, digestif, du visage dominant. Le Syndrome Métabolique,
  • Un type musculaire : développement musculaire important. Visage carré aux 3 étages égaux. Thorax et abdomen bien proportionnés,
  • Un type cérébral avec crâne et front développés. Thorax et abdomen étroits. Membres allongés.

Ces types humains se modelèrent sous l’action naturelle du milieu environnant. Ils sont reflet de l’adaptation.

Selon les circonstances favorables ou défavorables ils peuvent se « dilater » ou se « rétracter », si bien que la classification s’enrichit de catégories adaptatives: les plats et les ronds, eux-mêmes divisés en plat uniforme, plat ondulé, plat bossué et en rond uniforme, rond ondulé, rond cubique.

Tout ceci s’épanouit ensuite dans l’œuvre de Louis Corman qui fait de la dilatation et de la rétractation la grande loi évolutive des êtres vivants.

Un disciple, Mac Auliffe, écrira : « nos 4 types d’adaptation au milieu cosmique, l’évolution les a créés sous l’influence de la combinaison des actions du milieu et de l’hérédité inséparables de ceux-ci. »

B. Pende

L’Italien Pende établit une classification prenant en compte les spécificités endocriniennes. S’appuyant d’abord sur les mesures anthropométriques de son maître Viola, il distingue là encore 4 biotypes fondamentaux avec de nombreux sous-groupes en fonction des métabolismes endocrines :

  • Les longilignes sthéniques avec les hyperthyroïdiens et les hyperthyroïdo-hyper pituitaires sans insuffisance surrénale ni génitale.
  • Les longilignes asthéniques avec les variétés hyperthyroïdo-hypersurrénale et hypogénital.
  • Les brévilignes sthéniques avec les hypothyroïdo-hypersurrénalien ou hypergénital ou hyperpancréatique.
  • Les brévilignes asthéniques avec 2 sous-groupes, hypothyroïdien et hypopituitaire.

Cette classification déjà complexe se complique encore par l’intervention d’une notation psychologique. Il y aura ainsi des tachypsychiques sthéniques et asthéniques tant longilignes que brévilignes, et des bradypsychiques eux aussi longilignes ou brévilignes, asthéniques ou sthéniques .

Les recherches de Pende connurent une grande fortune en Italie. D’ailleurs Morphotypes, Constitutions sont toujours en grand honneur chez nos confrères transalpins. Il n’est pour s’en rendre compte que de prendre connaissance des travaux du Dr Macci qui dirige avec compétence les écoles de la SMB italienne.

C. Marcel Martiny

Une des approches les plus intéressantes dans cette analyse typologique de l’humain est celle de Marcel Martiny. Le Dr Martiny (1897-1982) fut, avant la dernière guerre mondiale et dans l’immédiate après-guerre, le promoteur d’un vaste mouvement médical, le Mouvement Néo-hippocratique.

Il s’agissait non de revenir aux techniques thérapeutiques d’Hippocrate, tout de même assez rudimentaires, mais d’actualiser et de mettre en œuvre les principes d’humanisme sur lesquels le grand Grec avait appuyé tout son travail, sortant la médecine de sa géhenne magique.

« Il n’y a pas de maladies, il n’y a que des malades . D’ D’abord ne pas nuire », les concepts de « force vitale » et de la « Natura medicatrix le fameux « Serment », tout cela et bien d’autres figurent dans les écrits de l’Ecole de Cos.

Ces réflexions gardent toute leur pertinence pour fonder une médecine humaniste un tantinet négligée par nos confrères classiques, tant férus de statistiques, mathématiques, d’analyses biologiques, certes fort utiles mais qui ne constituent pas l’essentiel de notre Art. L’« Evidence based medicine » a atteint ses limites.

Le néo-hippocratisme regroupait des allopathes dont d’éminents professeurs tels Delor, Laignel-Lavastine, Joannon, des homéopathes, des acupuncteurs, des thermalistes entre autres.

Il eut alors l’idée originale de s’appuyer sur l’embryologie. Il nous décrit toujours 4 biotypes mais correspondant aux 4 feuillets tissulaires constitutifs de l’embryon, selon leur prédominance.

Ces 4 biotypes sont l’endoblastique, le mésoblastique, l’ectoblastique, le chordoblastique.

  • L’Endoblastique correspond au long tube digestif résultant de l’invagination de la morula primitive ou gastrula. Il régit les fonctions internes de la vie végétative, digestion, métabolismes divers, reproduction. Son type est large, massif, digestif.
  • L’Ectoblastique reflète système nerveux central et peau qui ont même origine. Il est directement en contact avec l’extérieur et privilégie les fonctions de relation et d’adaptation: organes des sens, intelligence, instinct. Il est long, fin, cérébral.
  • Le Mésoblastique, découlant du feuillet intermédiaire qui fournit le tissu conjonctif unissant ectoderme et endoderme. Les muscles, le sang, les défenses immunitaires, les endocrines relèvent du mésoderme. Il est harmonieux, musclé, sanguin.
  • Le Chordoblastique dépend de la chorde embryonnaire, elle-même d’origine mésoblastique, caractéristique des Vertébrés. c’ d’elle et de ses prolongements latéraux articulés que naî tront les vertèbres, l’ensemble du squelette, les os. Il est laxe, grêle, déminéralisé.

Là encore les rapports avec les Constitutions homéopathiques y sont évidents.

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